Matilda, la comédie musicale

« À tout jamais elle n’aura plus rien de moi,

À tout jamais je serai libre enfin désormais;

On n’oubliera pas qu’on s’est battus pour le 

droit 

De n’être pas toujours gentils. »

Ceci est un extrait de la chanson « revolting children » (traduction française) extraite de la comédie musicale Matilda.

J’aime depuis toujours les livres de Roald Dahl , j’aime la première adaptation très fidèle réalisée en 1998. Mais la comédie musicale sortie récemment m’a touchée profondément, peut-être parce que je suis très sensible à la musique, aux paroles qui, belles sur le papier, sont sublimées par une mélodie, surtout quand celle-ci est chantée par un choeur d’enfants.

La chanson citée m’émeut particulièrement, et j’ai compris pourquoi:

Rien que ses premières lignes sont incroyablement et douloureusement universelles: on est nombreux à avoir connu l’oppression, l’humiliation, l’emprise. 

Cette sensation quand on se libère enfin d’une situation qui nous tenait prisonnier/prisonnière, est ce que les anglophones appellent bittersweet: on se rend compte de la vallée de la mort qu’on a traversée et on a du mal à croire que c’est fini. 

On doit aller chercher la force pour s’affranchir au fond de nos entrailles, et cette force est symbolisée par le personnage de Matilda. 

Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles Matilda me touche, peu importe si c’est dans le livre ou dans l’une ou l’autre adaptation. Son amour pour les livres, son besoin de calme, son sens de la justice. 

Mais ce qui est le plus ressorti pour moi, quand j’ai regardé cette nouvelle version avec mes enfants, c’est l’importance de la révolte: Matilda montre à ses camardes que quand tout nous est pris, il ne reste plus rien que la révolte. Elle est très courageuse, certes. Mais elle sait aussi que c’est la seule possibilité. Que rester dans cette situation un jour de plus n’est pas une option.

On apprend à obéir à nos enfants – on devrait aussi leur apprendre l’importance de savoir désobéir. On leur dit de se taire – il est vital qu’ils sachent prendre la parole quand personne d’autre n’ose le faire. On attend qu’ils soient sages. Il est primordial qu’ils sachent ne pas l’être.

Merci à Roald Dahl et aux créateurs de ce merveilleux film et surtout pour cette chanson qui a appris à mes enfants que la rébellion est parfois inévitable.

La fragilité

J’ai toujours associé l’idée de la fragilité à une image de verre cassé. Cela vient peut-être de la fascination que j’ai éprouvée, étudiante, pour la Ménagerie de verre  de Tennessee Williams. Toujours est-il que pour moi le verre cassé représente les fissures que la vie amène, les éclats de verre les drames de la vie, et puis un certian soulagement lorsqu’un verre se brise et que la cassure fait écho à une blessure intérieure.
Il ne viendrait jamais à l’idée de personne  de priver un patient souffrant de diabète de son insuline. Lorsqu’en revanche le mal qui nous ronge s’appelle dépression, anxiété, ou encore burn out,  la compassion peut laisser la place à l’incompréhension, le tabou bloque les confidences, un certain malaise s’installe.

On ne choisit pas  de souffrir de troubles mentaux tout comme on ne choisit pas ses maladies physiques. Se sentir fragile, vulnérable, crouler sous la pression… ce n’est pas quelque chose dont on devrait avoir honte.

Depuis des années je souffre d’attaques de panique, de crises d’angoisse. Je n’en parle pas, ou très peu. C’est un sujet tabou, toujours, et pourtant c’est un mal qui touche une grande quantité de personnes. De personnes qui souffrent en silence car fonctionner est un maître-mot dans notre société. On ne sait pas trop d’où vient cet impératif ou qui nous l’a imposé, mais il est évident que (dans le monde professionnel comme dans la vie en société en général) on n’a pas le droit de tomber en panne.

Or les blessures de l’enfance, les traumatismes, la mort d’un proche, une fausse-couche…peuvent nous fragiliser. Et si c’est le cas on est en droit de s’occuper de soi autant qu’on en a besoin. Sans devoir se justifier. 

Avec les années on prend tellement l’habitude de donner le change qu’on arrive à un point où même si on disait en face à un proche: « A l’aide, je suis en train de couler, je n’en peux plus! » Il nous dirait: « Mais tu assures très bien, ça se voit, pas de problème. » au moment même où vous êtes prêt(e) à avouer que vous n’êtes pas aussi forte que vous avez laissé paraître. au moment précis où vous êtes finalement prêts à demander de l’aide, malgré la honte, malgré la peur de la stigmatisation.

Je voulais dans cet article donner un exemple de fragilité mentale qui devrait être pris au sérieux et dont beaucoup de personnes (de femmes, en l’occurence) n’osent pas parler autour de soi. Il s’agit de la dépression postnatale qui, à l’inverse du babyblues dont il est désormais possible de parler, frise toujours le tabou. Le babyblues  (ces premières journées de nouvelle maman débordée, émotive, qui ne dort pas assez et pleure pour un rien) est accepté et même considéré comme commun – ce qu’il a de rassurant, c’est qu’il ne dérange pas trop, qu’il passe en général en l’espace de quelques jours ou de quelques semaines, et qu’on peut en parler sans gêne, puisqu’ensuite, la vie peut continuer sans trop d’encombres.

La dépression postnatale quant à elle est beaucoup moins la bienvenue dans les discussions, elle arrive de manière plus insidieuse, et plus tard (chez moi 2-3 mois après la naissance de mon premier bébé), quand l’excitation du début est retombée, le bébé n’est plus « nouveau », vous êtes censée avoir trouvé votre rôle de maman et juste avancer, jour après jour…et là un jour, vous vous réveillez, et vous n’avez plus goût à rien. Les larmes du babyblues seraient les bienvenues à ce moment-là, mais vous n’arrivez même pas à pleurer. Tout vous indiffère. Vous êtes là sans être là. Vous vous promenez la tête dans un nuage noir dont vous n’arrivez pas à sortir. Les gens bien-intentionnés vous disent de faire quelque chose qui vous fait plaisir, lire un livre, regarder une série…mais justement, plus rien ne vous attire. Mettre un pied devant l’autre, s’occuper de votre bébé…tout se transforme en tâche monumentale.

La bonne nouvelle, c’est qu’un jour, vous vous réveillez et « ça va » (comme dans la chanson de Rose). Vous ne pouvez pas l’expliquer, mais lentement, vous commencez de nouveau à voir des couleurs autour de vous, à vous intéresser à votre entourage, à vous émerveiller VRAIMENT de votre bébé. Vous remarquez que les rideaux de la chambre de la petite sont roses-ça faisait longtemps que vous ne l’aviez pas relevé. Et vous vous surprenez à penser « je vais bien, bébé va bien, tout va bien. » Et c’est à partir de là que tout va mieux, un petit peu plus de jour en jour.

La dépression postnatale n’est qu’un exemple spécifique parmi tant d’autres de troubles mentaux qui peuvent nous atteindre. A vrai dire, personne n’est à l’abri. Et voilà pourquoi personne ne devrait faire la sourde oreille ou faire preuve d’incompréhension. Il devrait être possible de parler d’anxiété et de panique, de partager sa fragilité – pour être soutenu, c’est certain,  mais aussi pour que le jour où notre interlocuteur y sera confronté à son tour, le jour où ce sera lui qui portera un sac à dos bien trop lourd et devra combattre des fantômes, il trouvera un appui dans le fait qu’il saura que nous pouvons tous nous retrouver fragiles, un jour ou l’autre.

J’ai arrêté de courir après la perfection

Il faudrait l’écrire sur les murs, le crier sur tous les toits, comme la mise en garde sur les paquets de cigarettes:

Le perfectionnisme nuit gravement à la santé.

Après une chute quelque peu traumatisante et dont je vous épargne les détails,  je me suis retrouvée, temporairement amochée, le visage tuméfié, incapable de me regarder dans la glace pendant presque deux semaines, tant mon apparence m’horrifiait. Heureusement, la bosse énorme que j’avais sur le front s’est dégonflée, les yeux au beurre noir ont changé de couleur, du violet au jaune, pour enfin disparaître, les fils ont été enlevés, les entailles qu’on avait  recousues ont cicatrisé

Ce qui m’est resté, surtout, c’est cette insupportable sensation d’impuissance, une potentialité de catastrophe impossible à enrayer sur le moment.

Le perfectionnisme ne m’a pas tuée, mais j’ai, moi, décidé de le mettre à mort, cet ancien allié qui s’était  transformé en ennemi. Qu’il repose en paix!

Je voulais que ma vie ressemble à une image parfaite – une nature morte, en fait, après laquelle je courais en tentant tout le temps d’endiguer le chaos engendré par la vie.

Quand on travaille à ce point sa façade impeccable, il y des chances que l’intérieur soit un grand champ de ruines. Lorsque je me suis détournée de la course après une perfection somme toute superficielle, j’ai enfin pu me consacrer à mon bien-être intérieur. 

Il n’y a pas trop longtemps, pourtant, j’avais eu une de ces prises de conscience en demi-teinte, qu’il aurait fallu approfondir, avant de retourner au train-train quotidien et à toutes les attentes. La perfection n’existe pas.

Pourquoi ai-je continué à la viser alors, cette parfaite image, comme tirée d’un livre? Parce qu’une petite voix continuait à me souffler Mais 99%, tu peux? Ou 95, allez! En-dessous de 80%, franchement, quel laissez-aller…

Arrêter tout. Se dire qu’il suffit d’exister. Qu’on n’a rien à prouver. ça fait sacrément du bien.

En fait, pour de vrai, je suis ravie d’être tombée dans les escaliers.

Oui, vraiment.

Car pour la première fois depuis des années, je suis calme, apaisée, capable de profiter du moment présent.

Oh, je sais, cette zénitude va me passer de nouveau, je ne me suis pas transformée en bouddha, je reste une petite boule de nerfs, une pile remontée à mille.

Mais j’ai appris ma leçon. Je crois.

Certes, arrêter de courir après la perfection a un prix: celui de décevoir encore et encore, de ne plus répondre aux attentes. Les gens autour de nous, nos supérieurs, même nos proches… ont tendance à toujours demander plus, à nous pousser plus loin. Souvent avec de très bonnes intentions, parfois dans leur propre intérêt. Mais les gens qui nous aiment vraiment veulent toujours, si on va au fond des choses, que nous nous occupions de nous. Que nous ralentissions. Avec des crissements de pneus et les freins serrés à mort, s’il le faut. 

Les tâches devront parfois attendre, les gens devront patienter, et la chambre d’enfants ressemblera à un capharnaüm, certains jours. 

J’ai arrêté de courir après la perfection. Et ça me fait un bien fou.

Cher Instagram, je crois que nous ne nous entendons plus

Voici le texte qui a signé ma rupture avec la plateforme; j’avais besoin de sortir de cette relation un peu toxique.

« Tu sais, je t’ai connu à l’époque où Instagram était un réseau sur lequel on postait ses photos, en toute simplicité. Les gens y montraient leur chat ou un bouquet de fleurs, y faisaient des selfies aussi; mais tout cela me semblait bien plus authentique qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas d’influenceurs, pas de business par ici. Juste des rencontres. Les légendes qui accompagnaient les photos étaient courtes à l’époque. 

Et puis, pour ma part, il y a eu une première rupture: je t’ai quitté comme j’ai quitté Facebook: finis les réseaux sociaux, c’est ce que j’ai pensé. Je me suis fiancée puis mariée, j’ai eu deux merveilleux enfants – sans l’optique de partager rien de tout cela en ligne. Je me disais que les réseaux ôtent pas mal de simplicité à nos vies. Vit-on vraiment si dès qu’on vit quelque chose on réfléchit déjà à vite le prendre en photo pour le partager en ligne? 

Je suis revenue vers toi après avoir écrit un livre sur la maternité. Je me suis dit que sans réseau, j’aurai du mal à faire parler de mon livre. Je sais aujourd’hui que c’est beaucoup d’effort pour pas grand-chose, quand on s’auto-édite, et j’ai abandonné. Ce n’est pas grave, mon livre est sur Amazon, ceux qui s’intéressent à la maternité peuvent toujours le trouver et j’en suis fière quoi qu’il en soit. Peu importe ce que j’écrirai dans le futur, cela restera mon premier bébé de papier, dans lequel j’ai mis beaucoup de moi-même.

Revenons à toi, Instagram. Au fil du temps, je me suis prise au jeu, j’ai fait des posts, des stories, j’a eu la joie de voir mes textes (qui n’étaient plus de simples légendes) lus et appréciés. J’ai fait des rencontres incroyables. 

Et puis…et puis il y a eu les reels – pas une de tes meilleures idées, à mon sens. Les reels (comme Tiktok) sont un puits sans fond dans lequel on se perd facilement. 

Tu m’as apporté beaucoup, Instagram, mais il est temps. C’est aussi un peu de ma faute, de ne pas avoir su gérer mon temps sur ce réseau sainement.

Je veux lire et écrire, je veux jouer du piano et tricoter. Je ne veux plus perdre mon temps ici. Bref, je veux être libre. 

En espérant que tu comprendras.

p..s. Je resterai le temps de construire mon nouveau blog. »

Dans la tête d'une amoureuse des mots